Ecrits
21 September, 2018

L’univers dans un fruit

Je me revois, débutante, lors de mes premiers cours de dessin.

Tout naturellement, comme la plupart des personnes qui veulent apprendre le dessin, j’étais orientée vers des cours de « modèle vivant ». Evidemment, cela me faisait rêver. Pouvoir capter et rendre ces divines courbes, cette beauté charnelle, cette intrigante aura de la présence humaine…. Oups…! mais comment faire ?  face au modèle, devant ma feuille blanche, Je vois mille et une splendeurs, mais impossible de les exprimer…. tout se brouille… je me sens désarmée, nulle, sans moyens.

Dessiner un nu lorsque l’on a pas de connaissances en dessin, c’est très difficile, et, au final, cela risque d’être frustrant. De même le paysage est très complexe. Quant au portrait, pour réussir à traduire une psychologie humaine, il faut de l’expérience mais aussi et surtout une bonne approche.

A la Renaissance, sept années étaient nécessaires pour se former au dessin. Ensuite, il fallait compter sept années supplémentaires pour apprendre soit la peinture, soit la sculpture… Aujourd’hui comme hier, le dessin ne s’apprend pas en trois mois… le temps que la main s’entraîne et devienne plus souple, que le regard et la sensibilité s’aiguisent et voient de manière de plus en plus aigüe. Ces acquisitions s’accompagnent d’un cheminement intérieur, d’une maturation qui conduisent au lâcher prise… pour progressivement pouvoir s’exprimer de manière authentique.

De même qu’un chanteur commence par apprendre à placer sa voix avant de pouvoir interpréter la musique, le peintre ou le sculpteur commence par l’apprentissage des bases, par le dessin. Il fait et refait ses gammes pour petit à petit se libérer des contraintes de la technique et enfin, s’exprimer.

Comme je l’ai appris très jeune avec le peintre sculpteur Juan Luis Cousino, le fruit est un microcosme, une unité organique.

Il recèle les mêmes richesses de forme et de valeur que le nu, le paysage ou le portrait, mais en plus simple. Le but n’est pas d’apprendre à dessiner tel ou tel fruit, ni même les fruits en général. Cette démarche, qui envisage par sujets, par parties, serait académique.

J’ai eu la chance d’apprendre une approche organique du dessin.

Ainsi, qui sait rendre la justesse des valeurs d’un oignon rouge disposé à côté d’un citron, et faire danser les formes d’un ensemble de fruits composé avec un drapé, peut faire un paysage.

Qui sait déceler et rendre l’élégance d’un piment vert, par exemple, saura abstraire les formes du corps humain.

Qui sait voir l’amoureuse étreinte de l’ombre avec la lumière sur le modelé subtil d’une poire saura capter le modelé d’un visage.