Sources d’inspiration
21 September, 2018

La conscience cachée du Louvre

Le Sarcophage des époux, vers 510 av. JC, Musée du Louvre, Paris

Au Louvre, j’aime découvrir et redécouvrir les départements du musée. Autant d’immersions dans différents mondes de formes, où l’expression de chaque civilisation irradie d’une manière singulière.

Dans la salle des Antiquités étrusques, le Sarcophage des époux est un bijou, avec pour écrin, la multitude de statuettes de dieux, déesses et danseuses, les vases et les objets de l’époque.

Des allées si souvent traversées, je ressors nourrie par l’esprit de ce sourire étrusque.

Invitée à découvrir le Louvre-Lens, j’ai été frappée par la « Galerie du Temps ». Cette galerie présente les oeuvres de l’histoire de l’art dans un seul espace, selon un ordre chronologique, depuis l’Antiquité jusqu’au dix-neuvième siècle. Ainsi se trouvent confrontées des oeuvres de civilisations et continents si éloignés.

Quel saisissement dès les premiers mètres de cette galerie !

A ma connaissance, c’est la première fois que l’on peut embrasser d’un seul regard le cours de la création humaine.

Juxtaposés en enfilade le long des repères chronologiques, les chefs d’oeuvre de l’Egypte pharaonique, de l’empire perse, et enfin, plus tardivement, de la Grèce, sont comme des foetus qui émergent de la terre, d’on ne sait d’où… On croit assister à l’éclosion de nouvelles formes d’art… Elles naissent, vivent et meurent…

Elans, apogées et décadences se succèdent… l’exemple le plus significatif pour moi étant la section montrant le passage de la Grèce archaïque à la Grèce hellénistique. En l’espace de quelques mètres, qui correspondent à 500 ans, la vision de ces trois statues met en évidence ce mouvement de style, allant d’une pureté originelle à une sophistication  maniérée.

Galerie du temps, Louvre-Lens

Si l’on en croit les écrits d’André Leroi-Gourhan, préhistorien et ethnologue français qui renouvela l’interprétation de l’art paléolithique, ce même mouvement peut être observé, dès les peintures rupestres de la Préhistoire. Il repère qu’entre les animaux peints dans les grottes de Lascaux et ceux de la grotte de Niaux, par exemple, il y a la même distance stylistique qu’entre un Kouros grec primitif et un éphèbe hellénistique. Pour lui, « la pente de l’académisme est amorcée » (Les Racines du monde, entretiens avec Claude-Henri Rocquet) : la géométrisation affective laisse place à une froide exactitude.

Grand Cerf, 18 000 av. JC, Lascaux, France

Bouquetin, 13 000 av. JC, Grotte de Niaux, France

La Galerie du temps nous livre un aperçu tangible des grandes évolutions, mais aussi des cycles de l’histoire de l’art….

..Et nous, où en sommes-nous aujourd’hui dans le cours de ces grands cycles ?

Sommes-nous en rupture ?

Et si nous étions dans une évolution qui nous situerait, comme le dit Leroi-Gourhan, dans une époque « pré-archaïque », à l’aube d’un « nouveau type de figuralisme dont nous ne pouvons pas encore soupçonner les caractéristiques » ?

Merci pour cette idée de la Galerie du Temps, pour la vision inédite qu’elle offre.